Contribution du Collectif 3R au bilan de la 3ème phase de concertation sur le projet du Syctom Ivry-Paris XIII


Le Collectif 3R tire un bilan mitigé de la 3ème phase de concertation post débat public organisée par le Syctom sous l’égide d’un garant nommé par la CNDP.

Quel était le but déclaré du Syctom en organisant cette concertation?
« La concertation, processus collectif, vise à faire connaître les données du projet, recueillir les observations qu’il suscite et faire émerger des propositions pour l’enrichir. Le débat et la confrontation d’idées ont pour but d’éclairer la décision des élus, pendant les études et dans l’optique de la mise en œuvre du projet. »

Des réunions d’information appelées abusivement réunions de « concertation ».

Le Syctom a effectivement considéré ces réunions comme des réunions où il pouvait faire connaître les modifications apportées à son projet depuis le vote du Comité syndical du Syctom d’octobre 2014, et non pas comme un lieu de discussion, susceptible de remettre en cause un projet de 2 milliards d’euros d’argent public (1,150 milliard de construction et 850 millions d’exploitation) qui va impacter les finances des collectivités membres du Syctom et de leurs habitants, et retarder de plusieurs dizaines d’années peut-être, l’application d’une législation de transition vers une gestion des déchets plus moderne et en phase avec les préoccupations de nos concitoyens : santé publique, lutte contre la raréfaction des ressources planétaires et économie circulaire, lutte contre le réchauffement climatique.

C’était déjà une pratique qu’avait relevé la CNDP (Commission nationale du débat public) à l’issue du Débat public de 2009. Dans son rapport, la CPDP a indiqué qu’ « elle aurait apprécié que le SYCTOM [considère] le Débat public pour ce qu’il est, à savoir une concertation démocratique largement ouverte où les interlocuteurs contribuent librement sur un projet à construire, et non pas comme une recherche d’adhésion à une décision déjà prise ».

La parole a certes été donnée aux associations, mais selon un ordre du jour qui n’a jamais été discuté avec les associations, et une conduite de la réunion par le Syctom que Monsieur Roudier n’a jamais infléchie .

Deux exemples :

  • Le Collectif 3R a contesté le choix par le Syctom de la date du 5 juillet 2016 pour la tenue de la réunion publique de fin de concertation. Nous avions dès le printemps fait part au garant de notre inquiétude quant au choix d’une date tardive, pratique qui avait déjà été celle du Syctom lors de la 2ème période de concertation. La date du 5 juillet 2016 a néanmoins été choisie par le Syctom et par Philippe Bouyssou, maire d’Ivry-sur-Seine, et validée par Monsieur Roudier.
  • l’association Zero Waste France a été invitée à présenter en 10 minutes le Plan B’OM (Plan de Baisse des Ordures Ménagères, voir note 1), projet porté par Zero Waste France et le Collectif 3R , le 30 mars 2016 lors d’un groupe de travail (et non pas du plus officiel Comité de suivi). A l’issue de la présentation Martial Lorenzo, Directeur général des services du Syctom, a rapidement enchaîné sur une autre présentation, de telle sorte qu’aucune question n’a pu être posée aux associations qui le portent.

Le Plan B’OM est un scénario alternatif au projet du Syctom, qui montre qu’il est possible par l’application de mesures simples et éprouvées, allant dans le sens de la réglementation, de faire baisser les déchets suffisamment pour que l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII ne soit pas reconstruit, amorçant ainsi un changement dans la gestion des déchets allant vers plus de prévention et de recyclage des déchets, et vers moins d’incinération, comme le demande la loi Grenelle de 2009.

Notre analyse est en effet que c’est la politique du « tout incinération » du Syctom qui empêche une politique de gestion des déchets tournée vers des pratiques d’économie circulaire, respectueuse des ressources de la planète, contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique, et soucieuse de la qualité de l’air que nous respirons.

Nous pensons que l’argent public qui va être investi dans le projet du Syctom (2 milliards d’euros) par les collectivités adhérentes de ce syndicat vont impacter non seulement la taxe sur les ordures ménagères payée par les contribuables qui augmentera de manière exponentielle, mais également le budget des collectivités, déjà fortement mis à mal, de telle sorte que l’argent qui devrait être investi dans des politiques de réduction des déchets, de réutilisation et de recyclage pour l’application de la loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte (LTECV) ne pourront pas l’être.

Nous en voulons pour preuve le budget de la commune d’Ivry-sur-Seine où la somme de un million d’euros accordée par le Syctom en contrepartie de la présence de l’usine d’incinération sur son territoire, n’a pas été investie dans la prévention et le recyclage, mais reversée au budget général, malgré le fait qu’Ivry-sur-Seine ait été agréée « territoire zéro déchets, zéro gaspillage » par le Ministère de l’environnement.

Le Plan B’OM a aussi fait l’objet d’une présentation de 1/4 d’heure au bureau du Syctom du 21 mars 2016 (voir note 2), où il a reçu un accueil favorable quant au sérieux de sa méthodologie et de ses objectifs (voir note 3), mais à aucun moment le Syctom n’a confronté ou même contesté les chiffres sur lesquels il repose ou les modalités de son application. La conclusion de ces considérations élogieuses a été qu’il était parfait mais qu’il serait impossible à appliquer dans le délai des 8 années restantes avant la mise en route de la nouvelle usine d’incinération du projet Ivry-Paris XIII. Il n’y a eu aucune confrontation avec les « chiffres » avancés par le projet du Syctom, aucune étude par les techniciens du Syctom, aucune analyse catégorie de déchet par catégorie de déchet des propositions du Plan B’OM.

Pour le Collectif 3R, la « concertation » à laquelle s’est livrée le Syctom est entachée de ce manque de discussion sérieuse, s’appuyant sur des études chiffrées, d’un des éléments fondamentaux de tout débat public: une solution alternative à un projet de 2 milliards d’argent public qui pourrait être évité, et dont les sommes dégagées pourraient être utilement investies dans des chantiers et des actions allant dans le sens de la LTECV au contraire du projet du Syctom.

Nous demandons donc la poursuite de la période de concertation pour une véritable étude sur la faisabilité du Plan B’OM par un cabinet indépendant, non susceptible de pressions par le Syctom.

Une « concertation » qui oublie Romainville

De même que les déchets issus du « bassin versant » de Romainville étaient présents dans le projet du maître d’ouvrage lors du Débat public de 2009, de même le Syctom nous a informé dans son tableau sinoptique du Comité de suivi du 27 mai 2016 (voir note 4) que 54 000 tonnes « d’apport » de CSR seraient incinérés à Ivry-Paris XIII. Mr Hirzberger a précisé oralement que ces déchets viendraient bien de Romainville. Nous savons par ailleurs qu’un nouveau projet de TMB ou de TMB-méthanisation est bien en cours à Romainville et a déjà fait l’objet de marchés publics.

Il semble donc important que la concertation soit prolongée jusqu’à ce que le projet de Romainville soit public et puisse être examiné par les partenaires de la « concertation ».

Le projet du Syctom : un projet basé sur des chiffres contestables qui ne respecte pas la réglementation

Nous avons été très surpris de constater que le Syctom s’appuyait sur les performances de tri et de recyclage des matériaux secs et du verre des ordures ménagères et assimilées (OMA) constatées entre 2010 et 2015 pour bâtir son scénario 2015-2023, voire jusqu’à 2027, date de l’ouverture projetée de l’usine de TMB (ou « tri-préparation »). C’est ce que le Syctom appelle un « scénario tendanciel », basé sur la continuité de la médiocrité des performances de recyclage sur son territoire (voir note 5), au lieu d’une étude détaillée, flux par flux, des effets attendus de la réglementation et notamment du PREDMA et de la LTECV.

C’est d’autant plus surprenant que :

  • Paris a adopté un plan de relance du tri avec un objectif de 50% de recyclage en 2020, et que les déchets de Paris comptent pour près de la moitié des tonnages traités par le Syctom ;
  • le Syctom a inscrit certaines de ses collectivités dans les « territoires Zéro déchets, zéro gaspillage » du Ministère de l’environnement, qui ont un objectif d’entraînement et d’exemplarité ;
  • les déchets d’activités économiques (DAE) comptent pour 50% des déchets traités par le Syctom (voir note 6) et qu’il est peu probable que des entreprises prennent le risque de ne pas se plier aux exigences d’une réglementation opposable.

L’usine d’Ivry-Paris XIII est bâtie pour 40 à 50 ans. Comme à tout service public, nous demandons au Syctom d’anticiper le futur de notre région, et non de s’arc-bouter sur des procédés contestés et obsolètes. Si cette usine était construite en 2023 et 2027, cela signifierait que pour 2 générations elle devrait être alimentée en déchets et qu’elle viendrait faire concurrence aux politiques publiques actuellement mises en œuvre et notamment à la collecte séparée des bio-déchets et à la relance de la prévention et du tri-recyclage.

En ce qui concerne la tranche incinération du projet Ivry-Paris 13, nous attendons des réponses du Syctom justifiant son dimensionnement, en fonction des objectifs fixés par les politiques publiques (LTECV et PREDMA), et non plus en fonction d’hypothèses « tendancielles » peu crédibles qui ne tiennent compte ni des nouvelles préoccupations du législateur en faveur de l’économie circulaire, ni de la sensibilité croissante des habitants à la protection de l’environnement. Il est particulièrement préoccupant de constater que le tonnage prévu de l’usine d’incinération est resté le même (350 000 tonnes de CSR) depuis 2004, et ce malgré 2 lois Grenelle, le PREDMA (Plan régional de gestion des déchets) et la loi sur la transition énergétique de 2015 !

En ce qui concerne le « tri-préparation », les précisions qui nous ont été apportées sont extrêmement floues et manquent de rigueur.
Tout d’abord il s’agit bien d’un tri mécano-biologique (TMB), c’est à dire de la partie tri du TMB-méthanisation. La partie mécanique du tri est constituée par le passage des déchets dans des trommels, des machines qui broient les déchets, des tris optiques, etc… ; la partie biologique par un début de fermentation (5 à 7 jours) qui permet l’homogénéisation des bio-déchets. Ce TMB est suivi ou non par une phase plus longue de méthanisation, qui dans le cas d’Ivry-Paris XIII ne se fera plus sur place. Lorsque le Syctom nous parle de 5 à 7 jours pour le nouveau projet, comparés aux 5 à 7 semaines de l’ancien projet, il compare bien sûr deux procédés différents: le tri mécano-biologique et la méthanisation.

De temps en temps le Syctom parle pour ce même TMB ou « tri-préparation » d’un procédé humide (qui peut faire penser à un ajout d’eau et un envoi par citernes de la pulpe), ou de procédé sec (mais si on séche les bio-déchets, ne serait-ce pas de nouveau pour mieux les incinérer ?).

Quant au bilan matière de ce TMB ou tri-préparation, il ne nous renseigne que de manière très vague lui aussi sur le procédé utilisé par le Syctom (voir note 7).

Nous rappelons par ailleurs que la LTECV donne la priorité à la collecte séparée des biodéchets sur toute forme de tri mécanique ou biologique des ordures ménagères résiduelles, ce qu’a confirmé le représentant du Ministère de l’environnement au colloque sur les biodéchets organisé par AMORCE et le Réseau Compost Plus le 17 mai dernier. Celui-ci a précisé qu’il n’est nulle part question de « complémentarité » de ces préparations dans la LTECV, malgré l’interprétation qu’en font certains syndicats ou industriels.

Nous restons quant à nous fermement attachés à des solutions pérennes et écologiques de réduction des déchets et de recyclage: le tri à la source de tous les déchets et notamment la collecte en porte à porte des bio-déchets, seule à même de favoriser un retour à la terre d’un compost propre et non pollué, et de faire maigrir notre poubelle d’un tiers de leur poids.

Des réponses évasives à nos questions

Concernant les risques de nuisance que peuvent provoquer ces deux procédés de pré-traitement et de traitement, nous ne sommes pas satisfaits par les réponses du Syctom à nos questions.

Les réponses ont été extrêmement vagues concernant la pollution engendrée par une usine qui brûlera des CSR (déchets concentrés composés essentiellement de plastiques et de cartons): on nous assure que le procédé « sec » permettra un meilleur traitement des polluants, et que la pollution restera bien en deçà des normes actuelles. Plutôt que de déclarations vagues nous demandons les chiffres d’installations similaires, et l’assurance que le Syctom anticipera sur la réglementation future et traitera les « nouveaux » polluants (particules fines et dioxines bromées entre autres).

Concernant les nuisances éventuelles provoquées par le TMB ou « tri-préparation » nous sommes légitimement inquiets par la masse de 365 000 tonnes de déchets annoncée (voir note 8) pour le TMB ou « tri-préparation », sans parler de la « préparation » des 30 000 tonnes de biodéchets collectés à la source; et ceci en plein cœur de ville, à quelques centaines de mètres d’écoles, d’immeubles d’habitation, des tours « Duo » etc…

Les dysfonctionnements induits par ces procédés sont connus: odeurs pestilentielles qui ont provoqué la fermeture de l’usine d’Angers, après seulement 3 ans d’existence; odeurs cadavériques et invasion de mouches à Montpellier, dont par ailleurs le bilan est très négatif puisque 85% du digestat en sortie d’usine est dirigé vers une décharge; incendie gigantesque dans le TMB de Fos-sur-Mer qui heureusement se trouve dans une zone industrielle; incendies répétés à Varennes-Jarcy.

Ces nuisances graves sont le fait de dysfonctionnements, de pannes, de problèmes inhérents à la nature hétérogène des déchets traités, c’est à dire le tout venant de la poubelle en mélange. Il ne s’agit pas d’un fonctionnement normal, sur lequel s’est fondé l’autorisation d’exploiter délivrée par les préfectures. Rien ne nous assure à Ivry-Paris 13 que ces dysfonctionnements pourraient être évités et le Syctom ne nous a pas répondu sur ce point.

Nous demandons au Syctom de nous faire visiter des installations semblables et de tonnages équivalents, et de nous dire comment les dysfonctionnements éventuels seront prévenus et traités afin d’assurer aux élus, aux habitants et aux associations que leur cadre de vie sera respecté.

Conclusion

Le Collectif 3R demande en conséquence qu’avant tout vote de la tranche « incinération » par les conseillers du Syctom :

  • le plan B’OM soit l’objet d’une évaluation sérieuse par un bureau d’études indépendant ;
  • que la concertation soit poursuivie jusqu’à ce que le projet de Romainville puisse être pris en compte par les partenaires de la concertation ;
  • que le projet du Syctom se mette en phase avec la réglementation et notamment avec la LTECV ;
  • que des réponses concrètes (rapports chiffrés, visites de site) permettent aux élus, aux habitants, et aux associations de se faire une idée des procédés nouveaux que le Syctom entend mettre en œuvre à grande échelle à Ivry-Paris XIII.

 

Notes

Note 1 : Voir Annexe 1 Plan B’OM zerowastefrance.org/media/102015%20-%20Plan%20BOM%20dossier.pdf

Note 2 : Nous avions demandé à ce qu’il soit présenté à tous les élus du conseil syndical du Syctom ce qui nous a été refusé au motif que les élus de la mandature de 2014 n’étaient plus légitimes.

Note 3 : Le plan B’OM s’appuie sur les données fournies par le Syctom : 42% des matières composant la poubelle des habitants du Syctom sont des matériaux pour lesquels il y a déjà des consignes de tri et qui devraient aujourd’hui se trouver dans la poubelle jaune des recyclables. A ces 42% s’ajoutent 22% de restes alimentaires (bio-déchets) qui devraient être triés à la source, compostés ou collectés en porte à porte et valorisés suivant les directives de la LTECV. Cette énorme marge de manœuvre est mise à profit par le plan B’OM pour déterminer 3 gros chantiers, et 12 actions, réalistes, dont le budget est chiffré à 200 millions d’euros d’investissement, et qui permettrait la création de 700 emplois, 55% de plus que le projet du Syctom. Cet investissement n’est pas utopique et permettrait aux collectivités du Syctom de rattraper en 2023 le retard qu’elles ont par rapport à des métropoles comme Nantes ou Lyon en 2015! Sans parler des métropoles étrangères comme Milan ou San Francisco.

Note 4 : Voir projet-ivryparis13.syctom.fr/wp-content/files/Syctom_Presentation_COSUI-27052016.pdf page 20

Note 5 : Le taux de recyclage des matériaux secs et du verre prévu par le Syctom en 2023 est de 20% !

Note 6 : En réponse à une question de Anne Connan et de Pascale Lardat du 1er avril 2016, le Syctom a fait état de chiffres montrant que les DAE constituent 50% des déchets traités par le Syctom

Note 7 : En réponse à la 5ème question posée par le Collectif 3R le 2 juin 2016, le Syctom répond: « sur une base d’un accueil de 365 000 tonnes dans l’unité de tri-préparation :

  • la production de CSR est estimée entre 180 000 et 210 000 tonnes ;
  • les refus inertes sortis du pré-tri sont estimés entre 18 000 et 39 000 tonnes ;
  • les matériaux recyclables triés sont estimés à environ 10 000 tonnes ;
  • la fraction organique résiduelle est estimée entre 60 000 et 120 000 tonnes selon le mode de conditionnement pour son transport ».

Note 8 : Il s’agira là encore d’un record européen pour une technologie dont on a aucun exemple en France de fonctionnement sans nuisances graves pour les habitants: odeurs pestilentielles, invasions de mouches, etc.

ANNEXE 1 – le Plan B’OM

À télécharger sur zerowastefrance.org/media/102015%20-%20Plan%20BOM%20dossier.pdf

 

Télécharger la contribution

Contribution complète (sans Plan B’OM en annexe) à télécharger en PDF : collectif3r.org/wp-content/uploads/2016/07/160718-BILAN-CONCERTATION-Collectif-3R.pdf
Contribution complète (avec Plan B’OM en annexe) à télécharger en PDF : collectif3r.org/wp-content/uploads/2016/07/160718-BILAN-CONCERTATION-Collectif-3R_avec_PlanBOM.pdf

 

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