L’association COLLECTIF 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler) a été écartée de la concertation de Romainville au motif que le Syctom avait sélectionné 2 associations locales (ARIVEM, et Environnement 93) et une association nationale, FNE, pour représenter la voix des associations dans le débat. Il nous aurait cependant semblé légitime qu’une association qui a co-signé le Plan B’OM avec Zero Waste France, qui s’intéresse de près à la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry-Paris 13, lequel brûle aujourd’hui plus de 150 000 tonnes de déchets résiduels en provenance de Romainville puisse participer à toutes les instances de la concertation.
Nous avons pu participer néanmoins à 3 des 4 ateliers proposés, ainsi qu’aux deux réunions publiques de début et de fin de « concertation ».
Nos remarques porteront sur la forme qu’a prise la « concertation » telle qu’organisée par le Syctom en accord avec Monsieur Jacques Roudier, garant de la concertation.
Dans le petit film « Acceptabilité des installations de traitement des déchets ménagers » produit par le Syctom récemment et présent sur le site du Syctom, Christian Leyrit, président de la CNDP recommande aux porteurs de projets d’installations de traitement des déchet d’user de « loyauté dans les débats », et de « transparence ».
A notre sens, ces deux termes n’illustrent pas la concertation telle qu’elle s’est déroulée à Romainville, malgré l’auto-satisfecit que s’accorde le Syctom en qualifiant sa concertation d' »exemplaire ».
Une « démarche de concertation préalable exemplaire » à Romainville ?
Non car elle ne respecte pas les objectifs fixés par le législateur pourtant énoncés dans la communication du Syctom :
– Informer le public
Le premier objectif fixé par le législateur n’a été que très partiellement atteint.
Le public au sens large a été écarté alors que la concertation voulue par le Syctom aurait dû être l’occasion d’une éducation aux nouveaux enjeux de la gestion des déchets au 21ème siècle, permettant de changer le regard sur les ordures ménagères pour en faire des ressources à intégrer dans une économie circulaire, conformément à la réglementation en vigueur.
La réunion d’ouverture de la concertation a eu lieu le 5 juillet 2017, pendant la période des vacances d’été… Rappelons qu’à Ivry, la réunion de fin de concertation avait elle aussi été fixée un 5 juillet 2016.
Les moyens d’information n’ont manifestement pas été à la hauteur des ambitions affichées malgré les efforts que le Syctom dit avoir déployés (2 réunions publiques, 4 ateliers, une exposition pédagogique itinérante, balades sur le canal, mise à disposition d’animateurs, 80 000 flyers distribués, etc…). Les journaux municipaux n’ont que très partiellement relayé l’ouverture de la concertation ou la position de leurs élus, ce qui est bien inquiétant dès lors qu’il s’agit d’engager de l’argent public.
De nombreuses personnes se sont plaint le 7 novembre, lors de la réunion de fin de concertation, de n’avoir été au courant de la concertation que quelques jours avant la réunion finale, et encore par l’intermédiaire d’associations.
La durée théorique de la concertation, 5 mois, a elle aussi été contestée. Entre le 5 juillet et le 7 novembre il s’est écoulé 4 mois, dont 2 mois de vacances d’été, réduisant ainsi à deux mois la réalité de la concertation, ce qui n’a pas permis à tous ceux qui aurait pu s’y intéresser d’avoir le temps de prendre connaissance du dossier.
Durant les deux mois de concertation, les réunions s’enchaînent à un rythme très soutenu (tous les quinze jours, voire toutes les semaines), usant les disponibilités des bénévoles associatifs, qui peinent à suivre le rythme de production des services du Syctom.
Mais cette organisation et ce calendrier ne sont-ils pas intentionnels ? De qui et de quoi le Syctom a-t-il peur ?
– Associer le public au débat
Ce deuxième objectif est lui un leurre quand il s’agit de la concertation du Syctom et les conditions de la participation du public aux débats ont elles aussi été mises en cause.
Pour s’inscrire aux ateliers il fallait produire une « contribution » écrite sur le site de la concertation, au motif que la salle aurait été trop petite, les débats limités à une vingtaine de personnes « spécialistes » qui seules pouvaient utilement participer au débat.
De fait de nombreuses personnes ont été rebutées par cette exigence du Syctom, et lors des ateliers le nombre d’habitants ayant osé bravé l’interdit se sont comptés sur les doigts d’une main.
– Associer les acteurs et le public à l’élaboration du projet
Le rôle du garant est de veiller à l’équilibre entre les différentes parties engagées dans le débat, en particulier entre les décideurs habituels, les élus politiques, les lobbies économiques habituellement actifs autour des grands contrats publics et le reste de la société civile dans toutes ses composantes, qualifié de « public ».
Le garant a été perçu comme étant très peu actif face au Syctom, à ses décisions, à son organisation de la concertation.
A Romainville comme à Ivry, le Syctom peine à associer les associations quand elles proposent des alternatives. ARIVEM, Zero Waste France, le Collectif 3R ont consacré beaucoup de temps et de moyens à l’étude du dossier, qu’ils connaissent parfois mieux que certains élus dont ce n’est pas la préoccupation principale.
Le Plan B’OM, plan baisse des ordures ménagères, www.planbom.org, porté par Zero Waste France et par le Collectif 3R n’a été que très difficilement porté à la connaissance des acteurs et du public et n’a jamais été présenté à l’ensemble des élus du Syctom.
En septembre 2017, au moment de la concertation sur le projet de Romainville, la direction du Syctom a choisi de commander un « exercice de chiffrage du Plan B’OM » au cabinet Girus, et de le faire certifier par le cabinet d’audit Ernst and Young.
Cet « exercice de chiffrage » qu’on trouve sur le site de la concertation du Syctom, concerne de fait, non pas les 12 actions du Plan B’OM qui sont programmées sur 8 ans (2015-2023) et qui visent à rattraper le retard du territoire du Syctom en matière de prévention et de tri par rapport aux métropoles françaises et européennes, mais des investissements et des frais de fonctionnement sur 23 ans (2015-2038), ce qui pose des questions de méthode mais aussi de bonne foi, de « loyauté des débats » pour reprendre le terme du président de la CNDP (voir la réponse des associations à cet « exercice de chiffrage »).
D’autre part lors de la réunion de fin de concertation à Romainville, le Syctom a continué à présenter une solution qui aurait du être écartée, si le Syctom avait réellement pour ambition d’associer les acteurs et le public à sa décision.
En effet une concertation préalable avec les élus d’Est-Ensemble avait permis semble-t-il, d’exclure la « solution 3 », celle qui avait au départ les faveurs du Syctom, et qui comporte :
– la fabrication de CSR (combustibles solides de récupération) à partir des ordures ménagères résiduelles (par un tri mécano-biologique ou TMB, ou « pré-tri » comme l’appelle désormais le Syctom)
– et la construction d’une « chaudière de CSR » c’est à dire d’un incinérateur de déchets.
Pour la « solution 2 » (séchage des déchets résiduels par soufflerie et fermentation, constitution de stocks sous forme de balles de déchets concentrés et stabilisés), la maire de Romainville, Corinne Valls, a précisé que le Syctom n’avait pas fourni aux élus suffisamment d’éléments techniques pour pouvoir juger de la qualité du procédé.
La « solution 1 » (modernisation de la situation existante, agrandissement du centre de tri, déchetterie et ressourcerie) a été présentée comme une stagnation par le Syctom.
C’est pourtant celle qu’ont défendue les associations locales, en l’absence de documents techniques convaincants, ou de visite de sites, prouvant l’absence de nuisances pour les riverains du processus de fermentation- séchage et en l’absence d’études montrant l’intérêt environnemental de cette solution.
On comprend donc que la « solution 2 » est celle que le Syctom présentera au vote de ses conseillers le 21 décembre 2017 comme étant la plus raisonnable, sans laisser le temps pour de plus amples explications techniques ou des visites de sites.
Face à une salle d’habitants très motivés par le tri et la réduction des déchets, et demandant au Syctom et aux élus de prendre leurs responsabilités par rapport aux défis écologiques d’aujourd’hui, et d’utiliser les investissements à bon escient, le nouveau président du Syctom, Jacques Gautier a ramené le débat à un niveau qui fait injure à la qualité des interventions du public et à sa maturité, en laissant croire que les réticences dans la salle pouvaient être assimilées à des comportement de « pas de ça chez nous », de « nimby ».
La concertation de Romainville, comme avant elle celle d’Ivry, s’inscrit dans un fonctionnement plus large du Syctom marqué par l’absence de transparence sur la réalité de la prise de décision.
Le processus de décision du Syctom, loin d’associer les acteurs et le public, est renvoyé à un consensus, si possible unanime, obtenu entre élus du Syctom, loin des yeux du public, puisqu’il apparaît de plus en plus que les décisions sont pré-votées au bureau du Syctom et que le conseil syndical du Syctom, n’en est plus que la chambre d’enregistrement.
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