Conseil municipal Ivry-sur-Seine 25 janvier 2017
Intervention Gérard Marcon Collectif 3R
Mesdames, messieurs, vous allez vous prononcer tout à l’heure sur la délibération donnant mandat à Monsieur Le Maire devant le syndicat de traitement des déchets, le Syctom, de voter demain la tranche relative à la reconstruction de l’usine d’incinération de déchets d’Ivry sur Seine.
S’il réunit la majorité, ce vote remplacera le vœu présenté par le groupe EELV le 20 octobre dernier.
Je ne polémiquerai pas sur la méthode qui consiste à procéder à un second vote.
Je tiens à remercier Monsieur Le Maire de nous donner la parole devant ce conseil municipal afin que vous puissiez enfin entendre la voix des associations mobilisées depuis 7 ans contre ce projet à 2 milliards d’€uros.
J’évoque sciemment ce chiffre qualifié de farfelu par le président du Syctom, Monsieur Hervé Marseille, dans sa lettre aux députés Laurence Abeille et Yannick Jadot. Si ce chiffre est farfelu, le Syctom n’a qu’à s’en prendre à lui même car c’est bien celui qui est inscrit dans la délibération de son conseil syndical du 17 octobre 2014, signé avec le groupement d’entreprises IPXIII emmené par Suez Environnement. La partie construction se chiffre à 1,082 milliard d’€uros TTC, le reste va à l’attribution du marché d’exploitation d’une durée de 23 ans, soit disant pour que les entreprises aient le temps d’amortir les surcoûts de mise en service, alors qu’elles ne mettent pas un centime dans la construction des deux usines d’incinération et de traitement mécano-biologique qui sont entièrement financées par l’argent public.
Depuis la signature de ce contrat on essaie de nous faire croire que le marché a été attribué par tranches conditionnelles, dont une pour l’usine d’incinération, une autre pour l’usine de tri mécano-biologique, sous entendu si en cours de route une partie du projet s’avérait inutile il ne serait pas réalisé. Sachez qu’il est impossible qu’une des tranches ne soit pas réalisée car elles sont indissociables les unes des autres. C’est grâce à l’usine de tri-mécano-biologique que le poids des déchets diminue. Avec ce procédé les déchets seront débarrassés de la partie humide pour en faire des déchets secs que l’on appelle des Combustibles Solides de Récupération qui ont un fort pouvoir calorifique. Lorsque le Syctom communique sur l’effort qu’il consent en divisant par deux la capacité de l’usine d’incinération à 350 000 tonnes, il se garde bien de dire que c’est en construisant une autre usine de traitement industriel. En réalité, et là aussi vous pouvez le vérifier dans les documents du Syctom, l’usine traitera 544 000 tonnes par an de déchets mélangés, contre une capacité de 700 000 tonnes aujourd’hui soit -22% et non pas -50%. Dans ces 544 000 tonnes il y aura 54 000 tonnes de déchets, déjà séchés, venant de Romainville. Si ces déchets arrivaient humides de Romainville nous aurions une diminution de seulement -15%. Rien de très glorieux au vu des investissements colossaux.
Voilà une autre supercherie que veut nous faire avaler le Syctom. Ce conseil municipal a voté il y a trois ans contre la réalisation d’une usine de tri-mécano-biologique avec méthanisation que l’on a cru abandonnée à la suite de ce vote. Puis la partie TMB est revenue dans le projet sans la partie méthanisation. Lors de la concertation qui s’est déroulée en 2016 nous avons appris que la méthanisation n’était pas abandonnée, mais déplacée sur un autre site, probablement à Achères pour être mélangée aux boues de stations d’épuration. Je vous informe que nous ne trouvons nulle part le financement de cette tranche de travaux qui se rajoutera probablement au coût total.
Parlons de ce qu’il restera de cette nouvelle usine sur le site d’Ivry-sur-Seine, c’est à dire le tri-mécano-biologique. Il s’agira d’une usine qui traitera 365 000 tonnes de déchets résiduels, c’est à dire la poubelle du tout venant. Les déchets seront triés mécaniquement pour en séparer la partie humide, qui sera envoyée en méthanisation pour finir le cycle de décomposition. La partie sèche sera soit recyclée, pour les grosses parties de métal et de plastique, soit brûlée pour le reste. Ce sont les fameux Combustibles Solides de Récupération qui permettent de diviser par deux la capacité de l’usine d’incinération. Le cycle de séparation des déchets ne devrait pas durer plus de 7 jours. J’emploie le conditionnel car à ce jour nous ne pouvons pas nous faire une idée du fonctionnement d’une telle usine. Il n’en existe paraît-il qu’une seule en Bulgarie dont on nous assure qu’elle marche très bien. On nous disait la même chose des autres usines qui ont brûlé, comme à Fos sur Mer, Varenne Jarcy et plus récemment à l’usine toute neuve de Bayonne, ou fermé après trois ans d’exploitation catastrophique comme à Angers, sans parler du cas de Montpellier. Nous aurons donc à titre expérimental la plus grosse usine d’Europe de traitement mécano-biologique dans une zone très habitée ; au bord des voies SNCF et du périphérique et à 200 mètres d’une école élémentaire. Je vous laisse réfléchir aux conséquences de l’échec possible d’une telle expérience.
En 2009, lors de la première concertation à laquelle nous avions participée, nous avions présenté un scénario alternatif qui prévoyait une baisse des tonnages de déchets à traiter,, contrairement au Syctom qui prévoyait une hausse. Selon les chiffres du Syctom la baisse des tonnages de déchets entre 2005 et 2015 est de 20%. Nous avions donc raison mais le Syctom n’a pas modifié dans son projet la capacité de l’usine d’incinération qui est calibrée à 350 000 tonnes depuis l’année 2004.
Aujourd’hui nous présentons un scénario alternatif au projet de reconstruction que nous avons baptisé plan B’OM pour baisse des ordures ménagères. Ce scénario se base, comme le précédent, sur les données chiffrées du Syctom et notamment sur le fait que, selon le Syctom, 42% des déchets qui se trouvent dans les poubelles du tout venant ne devraient pas y être car il existe des filières de recyclage. C’est la raison pour laquelle le territoire du Syctom ne réalise que 13,5% de tri sélectif, l’un des plus bas de France. Nous avons repris ces chiffres en y associant les mesures inscrites dans la Loi de Transition Énergétique pour une Croissance Verte qui vise un objectif de 65% de taux de recyclage en 2025, en rajoutant une partie de collecte des biodéchets mesure également inscrite dans la loi de transition énergétique. Nous avons extrapolé des projections avec la mise en place des moyens pour atteindre, non pas le zéro déchets comme à Milan ou San Francisco, mais celui de ville comme Nantes ou Lyon, ou de la moyenne française qui est à 37%. Rien de bien utopique donc. Cela suffirait pour ne pas avoir besoin de reconstruire les usines d’incinération et de TMB à Ivry sur Seine tout en supprimant la mise en décharge contre laquelle nous sommes, bien sûr, opposés. Cela permettrait de créer 700 emplois non délocalisables, car selon les études de l’Obersavoire Régionale des Déchets en Île de France le tri et le recyclage créent 10 fois plus d’emplois que le traitement industriel. Nous avons chiffré le coût de la mise en place de ce plan à 200 millions d’€uros, plus de 5 fois moins cher que celui du Syctom.
Malgré ça, comme en 2009, le Syctom nous renvoie que ce n’est pas sérieux car il n’y a aucune étude d’impact pour ce plan B’OM. Nous disons que c’est le Syctom qui n’est pas sérieux en présentant un taux de tri et de recyclage qu’il nomme tendanciel sur la base des performances passées. Traduction : nous avons été mauvais jusqu’à maintenant, il n’y a aucune raison que cela change puisque nous ne faisons rien pour ça !
Nous réclamons simplement que le Syctom fasse une projection des quantités à traiter dans les années à venir en appliquant les mesures inscrites dans la loi, et qu’il les mette en concordance avec ses besoins en capacité de traitement, avant de se lancer dans la reconstruction de l’usine d’incinération.
Je vais aborder maintenant un sujet qui tient à cœur à Monsieur Le Maire : celui du chauffage urbain. Nous sommes tout à fait d’accord avec le principe de transformer en chaleur la combustion des déchets dès lors qu’il existe une usine d’incinération. Mais prétendre que c’est une démarche écologique d’en construire une pour produire de la chaleur est une aberration. Il est évident qu’il faudra toujours l’alimenter, même si la matière manque, ce qui arrivera forcément car nous ne pourrons pas éternellement rester à la traîne des autres villes françaises et européennes avec un taux de tri aussi mauvais. D’ailleurs le Syctom le sait, puisqu’il a prévu qu’un des deux fours de l’usine d’incinération pourra être transformé pour brûler du bois. Ce bois viendra du gisement des déchets d’activités des entreprises de la région Île de France, c’est à dire les déchets de meubles, de palettes de cagettes etc. Mais si ce gisement venait à baisser, il n’est pas exclu que l’on importe des granulés de bois du Canada, comme l’a maladroitement déclaré à trois reprises en réunions publiques le directeur des services du Syctom, Martial Lorenzo.
Ne pensez-vous pas qu’il serait plus judicieux d’investir ces sommes colossales dans l’amélioration de l’isolation des bâtiments ou le développement de la géothermie, ou tout simplement de construire tout de suite, pour beaucoup moins cher, une chaudière à bois ?
Je ne veux pas vous assommer d’informations dans mon intervention. Il y aurait pourtant beaucoup de choses à dire sur la nocivité des rejets de fumées qui déversent dans l’atmosphère des tonnes de particules fines que nous inhalons, et dont le Syctom a prétendu pendant des années qu’elles ne contenaient que de la vapeur d’eau, ou des résidus de l’incinération, les mâchefers et les réfioms que l’on met en décharge et qui polluent les nappes phréatiques. Je pourrais aussi vous présenter tous les points inscrits dans la Loi de Transition Énergétique pour une Croissance Verte que le Syctom ne respecte pas dans son projet. Mais je vais m’arrêter là.
Contrairement à ce que vous croyez ce ne sont pas les élus qui siègent au conseil syndical qui ont la main sur les grandes orientations du Syctom. Tout est préparé en amont par quelques techniciens qui ont des relations très étroites avec les industriels du traitement des déchets, qui eux n’ont évidemment aucun intérêt à ce que ce gigantesque gisement de déchets leur échappe. Ils réalisent ainsi de substantiels bénéfices qu’ils peuvent ensuite redistribuer à leurs actionnaires.
Quelque que soit le résultat du vote de ce soir le Syctom ira jusqu’au bout de son projet. Mais en vous y opposant vous enverrez un signe fort aux citoyens dont vous défendez les intérêts. Cela serait perçu comme un acte de résistance courageux en opposition au pouvoir écrasant des lobbies industriels. Alors n’écoutez que votre conscience et faites fi des postures politiciennes, les habitants d’Ivry vous en seront reconnaissants car, contrairement à ce que prétend le Syctom, ils sont prêts à mieux trier leurs déchets si on leur en donne les moyens.
Merci pour votre écoute.
Gérard Marcon
Collectif 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler)
Approbation entière. Devant cette situation catastrophique, et ce projet imposé, nous – citoyens – voulons pouvoir faire nous-mêmes le tri à la source et demandons des collectes séparées afin que soient traités par recyclage les matériaux et les biodéchets.
Continuons à agir plus fort pour partager et faire aboutir ces perspectives réalistes.
Francis Vérillon
Pour CLCV-Paris et Ile-de-France
Bravo Gėrard Marcon … Beau discours … convaincant comme toujours !!!
Le combat est dur … il faut des gens courageux et concernės !